Du Cabinet de curiosités au Musée

L’homme étant curieux de nature, les descriptions de cabinets de curiosités restent obligatoires dans le voyage et donc dans les récits qui en sont faits. Ils permettent à chaque lecteur de s’en faire sa propre idée, de vivre une expérience unique, acceptant ainsi une invitation au rêve.
Au départ simple exposition de diverses curiosités prêtes à être admirées et même manipulées, le cabinet se transforme progressivement en nos actuels musées.
Avec l’appui deux extraits de descriptions de cabinets tirés du Nouveau Voyage en Espagne, fait en 1777 et 1778 , de Jean-François Peyron, et du Voyage d’un français en Angleterre , de Louis Simond, nous allons préciser ce constat.

Ainsi, dans notre premier document, la description qui nous est donnée s’apparente à celle d’un vrai cabinet, même si nous trouvons l’appellation «museum» qui est à l’époque l’équivalent de «cabinet». On y trouve tous les grands classiques des cabinets : les coquillages, les pétrifications et autres minéraux, les médailles, les antiquités, les herbiers de renom et les livres. La curiosité rime avec le prestige. C’est elle qui est l’élément fondamental de ce «museum». La visée est celle du partage des savoirs et l’exposition à n’importe qui de sa collection de trésors. L’organisation se fait généralement dans une seule pièce. Tout est rangé et éparpillé dans des meubles, nommés eux aussi cabinets. Le désordre est volontaire. Il faut pouvoir manipuler ces curiosités.

Dans le second extrait, on retrouve le terme de «museum». Cependant son emploi est différent. L'espace et l'organisation ne semblent plus les mêmes. La cour fait plus penser à celles de nos musées. De plus, nous ne sommes plus chez un particulier. Le lieu consacré à la collection accompagne l’évolution de la collection elle-même. D’un côté le cabinet de Salvador se confond avec son logement ; de l’autre, le Museum britannique abrite des bâtiments composés de diverses collections aux thématiques spécifiques qui s’organisent perpendiculairement les uns par rapport aux autres autour de la cour. Notons aussi que le temps est maintenant compté et qu’il n’est plus possible de faire ce que l’on veut. C’est une visite guidée. Ainsi, si les objets restent les mêmes que ceux d’un cabinet (dont ils proviennent), le but du lieu est différent. On ne peut plus toucher, seulement regarder. Le musée doit conserver et présenter un patrimoine récolté par plusieurs personnes. Ce n’est plus un collectionneur qui est fier de ses richesses rarissimes.

Pour finir, il faut noter que la transition est lente. Le musée apparaît au XIXe siècle. Ici les deux descriptions présentent des caractéristiques du cabinet et du musée. Si le muséum de Barcelone tient bien plus du cabinet, il annonce un futur, alors que le muséum britannique se rapproche du musée actuel tout en rappelant un passé de curiosité.

Paul Never et Germain Danglade

Extraits


Bibliographie

  • ANSON George. Voyage autour du monde fait dans les années 1740, 41, 42, 43, 44. Paris : Quillau, Delormel, Le Loup, 1750, 3t.
  • DULAURE J. A.. Nouvelle description des curiosités de Paris. Paris : Lejay, 1786, 2 t.
  • Manuel du voyageur en Suisse. Quatrième édition originale. Zurich, Orell, Fussli ; Paris et Genève : J. J. Paschoud ; Londres, Treuttel et Würtz, 1819, VIII-465 p.
  • Nouveau voyage en Espagne, fait en 1777 & 1778... Londres : P. Elmsly ; Paris : P. Théophile Barrois, jeune, 1782. 2 t.
  • PATIN Charles. Relations historiques et curieuses de voyages en Allemagne, Angleterre, Hollande, Boheme, Suisse... Rouen : Lucas, 1676, 273 p.
  • Voyage d'un Français en Angleterre pendant les années 1810 et 1811, avec des observations sur l'état politique et moral, les arts et la littérature.... Paris : Treuttel et Würtz, 1816, 2 t.
  • Voyage pittoresque des environs de Paris. Troisième édition, corrigée & augmentée. Paris : De Bure Pere, 1768, 462-[6] p.