Voyage dans l’intérieur de l’Afrique, de Mungo Park

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Dans la lignée des explorations de Friedrich Hornemann et G. W. Browne, le voyage de Mungo Park a contribué lui aussi à la connaissance de l’intérieur de l’Afrique en Europe. A la fin du XVIIIe siècle, l’Afrique est encore un continent très mal connu qui représente un mythe dans les mentalités occidentales. En effet, reprenant de vieilles légendes remontant au Moyen Age, on s’imagine encore l’intérieur de l’Afrique comme le paradis terrestre. Pourtant découvert au XVe siècle par les Portugais, le fleuve Niger est lui aussi l’objet de nombreux fantasmes : jusqu’où va-t-il? Quel est son tracé? Quels peuples vivent autour de ce fleuve? Les géographes européens ne le connaissent que grâce à trois auteurs principaux, Pline, Al-Idrissi et Léon l’Africain, et font fréquemment l’erreur de le confondre avec le fleuve Sénégal ou le fleuve Gambie. La cité de Tombouctou, capitale du royaume du même nom et située sur le fleuve Niger, est elle aussi l’objet des spéculations les plus folles.

Membre, comme Friedrich Hornemann, de l’African Association de Londres, Mungo Park part à la rencontre du fleuve Niger et à la recherche de Tombouctou en 1795. Il naît en 1771 à Foulshiels en écosse. Il est le fils d’un fermier de la région du Selkirkshire. Son père voulait le voir devenir pasteur, mais lui préfère étudier la médecine et part à l’université d’Edimbourg où il apprend aussi en particulier la botanique. Il part en Afrique grâce à l’appui de Sir Joseph Banks, un riche propriétaire terrien également président de la Royal Society, trésorier de l’ African Association et célèbre pour avoir fait un voyage autour du monde avec le capitaine Cook. Mungo Park fait deux voyages en Afrique de l’ouest : le premier commence en 1795 et dure un peu plus de deux ans. La seconde expédition débute en 1803 et s’achève à la fin de l’année 1805, date à partir de laquelle l’on n’a plus jamais de ses nouvelles. Entre temps, il publie Travels in the Interior Districts of Africa; Performed under the Direction and Patronage of the African Association in the years 1795, 1796 and 1797, publié pour la première fois en 1799. Cette publication lui apporte la célébrité et l’admiration de son entourage.

Mungo Park n’est pas le premier européen à tenter l’aventure dans la région du fleuve Niger : avant lui, un dénommé Houghton y fut envoyé, mais il n’en revint jamais. Un autre britannique, Lucas, se proposa de rejoindre le Niger par le Sahara en partant du Maroc, mais il disparut aussi sans laisser de traces.

Le point de départ de Mungo Park se situe sur les bords de la rivière Gambie près de son embouchure dans l’Atlantique, là où les Britanniques possèdent de nombreux comptoirs. Au cours de son aventure, Mungo apprend quelques dialectes locaux (notamment le Mandingue), condition essentielle pour se faire comprendre durant le voyage. Il est aidé au départ par le docteur Laidley, un Anglais installé en Gambie, qui lui fournit de l’or, de l’ambre, des vêtements et un guide.

Il retrouve la trace de Houghton qui fut assassiné dans le royaume de Ludamar au Mali actuel, à l’époque contrôlé par les Maures. Mungo Park voit lui même la mort de près : le roi du Ludamar, Ali, le réduit à une condition d’esclave qu’il subit pendant près de trois mois avant de s’enfuir. Il est à deux doigts de mourir de faim dans le royaume voisin du Bambara où il est poursuivi par les Maures. Plus tard, il tombe gravement malade et ne doit sa survie qu’à un «mansa 1» mandingue qui le loge, le nourrit et le soigne pendant plusieurs mois.

La première expédition ne résout pas intégralement les questionnements autour du fleuve Niger : «Il est cependant très probable que le Niger fournit une communication sûre et facile à des nations très éloignées les unes des autres [...] [les] marchands eux-mêmes ignorent, ce me semble, où se termine le Niger [...] disant seulement qu’ils croient qu’il va au bout du monde ». Mais Mungo Park dresse un remarquable portrait, clair et précis, de la mosaïque de royaumes s’étendant autour du Niger. Son témoignage est à ce titre une source exceptionnelle dans l’optique de reconstituer l’histoire de l’Afrique Noire pré-coloniale par l’intermédiaire des textes écrits, en complément de la tradition orale. Son récit indique également que l’esclavage est très ancré dans les mentalités africaines, pas seulement pour le commerce avec les Blancs, mais au sein même de ses sociétés où vivent beaucoup d’esclaves, au service le plus souvent de la «noblesse » locale.

La deuxième relation de Mungo Park est dans un premier temps la consécration pour Park : il atteint très rapidement Tombouctou et remonte le Niger sur près de 1600 kilomètres. Les royaumes des Touaregs et des Songhai sont traversés par l’Ecossais et ses compagnons. Mais la mort les attend à Bourssa, au Nigeria actuel. Lui et ses compagnons seraient tombés dans une embuscade qui leur aurait coûté la vie. Néanmoins, l’un des fils de Mungo Park, Thomas, persuadé que son père n’a pas été tué mais seulement fait prisonnier, part à sa recherche en 1827, sans succès (il meurt au Ghana des suites d’une maladie). Sa femme Allison ne veut pas non plus croire à la disparition de son mari et meurt en 1840 persuadée qu’il est retenu prisonnier quelque part en Afrique...

Vincent Fontaine

1 «Mansa »: «chef » ou «roi » en Mandingue. La plupart des empereurs du Mali ont porté ce titre de Mansa : Mansa Kanga Moussa ou Suleyman Mansa par exemple. L’empire du Mali est né dans le pays mandingue avec Soundjata Keita au XIIIe siècle et se disloque durant le XVIe siècle. Mungo Park apprend le Mandingue car il est parlé dans une grande partie de la région du fleuve Niger, héritage de la grandeur passée du Mali. Notons aussi que, selon le témoignage de Park, le pays Mandingue est une république et non une monarchie.

Bibliographie

Corpus

  • PARK Mungo. Voyage dans l’intérieur de l’Afrique. Nouvelle édition. Paris : la Découverte, 1996, 354 p.
  • HORNEMANN Friedrich Conrad. Voyages dans l’intérieur de l’Afrique... pendant les années 1797, 1798. Traduit de l’anglais. Paris : André, 1802, 390 p.
  • BROWNE W. G. Nouveau voyage dans la Haute et Basse Egypte, la Syrie, le Dar-Four... Paris : Dentu, 1800, 2 t.

Études

  • BARRY Boubacar. La Sénégambie du XVe au XIXe siècle. Paris : L’Harmattan, 1989, 431 p.
  • BOULEGUE Jean. La Sénégambie du milieu du XVe siècle au début du XIXe siècle. Histoire. Thèse de doctorat de 3e cycle. Paris : Université de Paris, 1968, 319 f.
  • JOLLY Jean. Atlas de l’Afrique et son environnement Européen et Asiatique. Paris : L’Harmattan, 2008, 167 p.
  • KI-ZERBO Joseph. Histoire de l’Afrique Noire : d’hier à demain. Paris : Hatier, 1978, 731 p.
  • MAUNY Raymond. Les siècles obscurs de l’Afrique Noire. Paris : Fayard, 1970, 314 p.
  • POURTAU Jérôme, LE ROUX Pierre. "Voyage dans l’intérieur de l’Afrique" sur les traces de Mungo Park : rapport de l’expédition, projet : Pourtau, Hot, Le Roux. Park et Polo éditions, 1983, 96 f.