Voyage de deux Français en Allemagne, Danemarck, Suède, Russie et Pologne, de Fortia de Piles

Considéré à la fois comme une ½uvre scientifique, informative et descriptive, le Voyage de deux Français en Allemagne, Danemarck, Suède, Russie et Pologne (1790-1792) rédigé par Fortia de Piles à la fin du XVIIIe siècle présente les diverses formes du cabinet de curiosités à l’heure où la conception du savoir semble modelée par un désir de classification. Les cinq tomes de ce récit savant réunissent la description du cabinet, la comparaison entre les pays et mettent ainsi en relief le changement formel et conceptuel des lieux du savoir au moment où l’idée de la culture semble bouleversée dans toute l’Europe.

Le désir de l’auteur de faire ½uvre de « vérité » rend compte de l’aspect descriptif du texte ; passant en revue les éléments constituant une collection privée ou une galerie tout en commentant l’origine d’une pièce ou sa place dans le cabinet, le narrateur mêle à la fois un goût prononcé pour la connaissance et l’origine d’un détail tout en livrant une pensée sur l’art.

Le cabinet originel du XVIe siècle qui présentait une structure hybride et cultivait le mélange des genres dans l’exposition paraît, à la lumière de ces nouvelles conceptions du XVIIIe siècle, céder le pas à un autre type structural qui privilégie l’organisation, le classement par genre, tout en conservant les mêmes fins : savoir, approfondissement d’une matière (astronomie par exemple), goût pour le Beau et pour la finitude d’une collection. L’appellation même de ces lieux curieux reflète cette époque transitoire; la Curiosité est à la fois « chambre de curiosité » ou « cabinet d’histoire naturelle », mais elle peut être aussi « collection » ou « galerie » selon les pays traversés.

Malgré le décalage de cette transition conceptuelle entre les pays, l’idée de l’art semble se modifier : la recherche de l’exotique ou de la rareté semble céder le pas à l’½uvre contemporaine ou peu éloignée dans le temps, ce qui caractérise aussi le musée national.

Mathilde Savary et Elisabeth Juin